Les sondes intracardiaques d’Auguste Chauveau et la cardiographie intracardiaque

La cardiographie intracardiaque est l’application de la méthode graphique à l’étude du fonctionnement du coeur.

  • Elle fait appel à des sondes qui sont introduites dans les cavités cardiaques via la veine jugulaire (pour la sonde droite) ou la carotide (pour la sonde gauche).

Les sondes droite & gauche de Chauvau et Marey

Ces sondes photographiées en 2011 au service de physiologie de l’école Nationale Vétérinaire de Toulouse ont probablement été utilisées par Saturnin Arloing, un élève de Chauveau venu de Lyon comme professeur d’anatomie et de physiologie à l’école vétérinaire de Toulouse de 1869 à 1876.

  • La sonde pour le coeur gauche est simple car on ne peut explorer que le ventricule gauche à partir de son introduction par la carotide; le tube forme avec l’ampoule un angle obtus pour passer l’aorte antérieure.
  • La sonde droite est conçue pour explorer simultanément l’oreillette droite et le ventricule droit et elle comporte deux ampoules exploratrices et deux tubulures.

Le cheval comme espèce expérimentale

Le cheval a été choisi comme espèce expérimentale pour sa taille, sa docilité et surtout pour sa fréquence cardiaque très basse (de 30 à 40 battements par minute) ce qui a permis de bien séparer les évènements mécaniques formant une révolution cardiaque.

Mise en place des sondes intracardiaques sur un cheval

Sur cette photographie, Chauveau est déjà âgé et il s’agit d’une reconstitution de ses essais historiques réalisés entre 1861 et 1863 sur plus de 300 chevaux alors qu’il n’avait que 44 ans; on notera que l’aide, portant jaquette, tient à la main les deux sondes et que la sangle du cheval permet de fixer sur le thorax un cardiographe externe pour enregistrer le choc précordial.

Publication des principaux résultats en 1863

Les travaux de Chauveau & Marey ont donné lieu à trois publications majeures, la première étant celle du 7 octobre 1861; La publication avec les tracés les plus précis est la communication faite à l’Académie de Médecine en 1863

Pour en savoir plus sur Chauveau

Lire l’excellente thèse de Doctorat vétérinaire de Claire Pitois soutenue à Lyon en 1998

 

Mode d’emploi des sondes de Chauveau expliqué par Laulanié dans ses “Eléments de physiologie

  • Laulanié a été professeur de physiologie à l’Ecole Vétérinaire de Toulouse et son livre reste une référence pour la physiologie vétérinaire et comparée du début du vingtième siècle.

L’apport de Louis Desliens, un praticien vétérinaire, à la cardiographie

La méthode de Chauveau nécessitait de dénuder la jugulaire et la carotide et elle faisait appel à un équipement encombrant; Louis Desliens (1879-1975), un praticien vétérinaire travaillant à Châtillon-sur-seine en Côtes d’Or rapporte en 1923 à l’Académie des Sciences qu’il est possible de placer directement une sonde (urétrale) remplie d’un liquide anticoagulant dans les cavités cardiaques par ponction transcutanée et d’enregistrer les variations de pression sanguines avec un petit hémodynamomètre qu’il avait conçu.

Desliens a rédigé un ouvrage rapportant en détail ses essais

Le manomètre de Desliens

Le principal apport de Desliens a été de montrer que la ponction artérielle n’était pas dangereuse; avec sa technique, on pouvait reprendre plusieurs fois le même animal pour réaliser des mesures sériées de la pression artérielle et des pressions intracardiaques alors que l’approche de Chauveau et Marey nécessitait le sacrifice in extremis du cheval.

Les développements en médecine humaine de la cardiographie

La méthode de Chauveau a été reprise en 1929 en médecine humaine par Werner Forssmann (1904-1979) alors qu’il n’était qu’un jeune résident dans un hôpital d’ Eberswald près de Berlin ; Forssmann connaissait les travaux de Chauveau mais ignorait la contribution de Desliens ; il avait en outre observé sur un cadavre humain le parcours suivi par une sonde introduite dans une veine du bras jusqu’au coeur; Il savait aussi que la présence d’un corps étranger dans le coeur chez l’homme n’était pas dangereuse car des blessés de la première guerre mondiale ont pu garder des corps étrangers dans le coeur sans dommage apparent ! A l’époque sa motivation était de faire des administrations de produit radio-opaques directement dans le coeur et non d’étudier les pressions intracardiaques ; il eut l’idée et surtout la témérité de s’introduire lui-même une sonde urétrale dans la veine cubitale et d’en vérifier le bon positionnement dans l’oreillette droite par fluoroscopie.

Cet exploit valu à Forssmann d’être licencié de son poste à l’hôpital pour pratiques médicales et comportement contestables (il avait lié une infirmière à une table pour qu’elle ne s’oppose pas à ses pratiques automutilantes) et de partager en 1956 le prix Nobel de physiologie et de médecine avec André Cournand (un médecin français travaillant à New-York) et W Richard.
Ce sont ces deux scientifiques qui ont réellement développé cette méthode d’exploration cardiaque chez l’homme, Forrsmann ayant mené par ailleurs une carrière d’urologue.

  • Chauveau mort en 1917 n’a pas pu voir les applications en médecine humaine de sa méthode et en partager les lauriers mais sa contribution a été expressément reconnue lors de la remise du prix Nobel en 1956 .

La contribution du cheval à l’histoire de la cardiologie ne se limite pas à l’exploration de la mécanique cardiaque ; un autre apport du cheval à la physiologie cardiovasculaire a été la première mesure de la pression artérielle. Le révérend Stephen Hales, un simple curé de campagne, a eu l’idée en 1733 de pénétrer dans la carotide d’un cheval avec un embout en cuivre, de le relier à un long tube de verre et de mesurer la hauteur de la colonne de sang (plus de 2 mètres).

Rédaction par PLT du 17/07/2011